Thomas Bouquet nous met en face de dessins exécutés avec une précision impitoyable qui nous rappelle la cruauté descriptive des anatomistes du 18ème siècle (les sculpteurs de la chair humaine), ou le rapport graphique des solifluxions d'un monde à la dérive. 

 

Chez lui, le matériau, c'est le corps humain, la hantise de sa disparition et sa comparaison à un chaos originel. 

 

Cette passion pour l'atroce ne renvoie pas à l'objet esthétique comme mal absolu au sens Sadien du terme. La gravité des corps élaborés lentement à la mine de plomb produit une compassion qui nous permet d'éviter d'être le complice cynique de notre disparition. 

 

Cette absence d'attitude complaisante a le mérite de ne jamais rendre supportable l'insupportable. Nous sommes ici bien loin des vignettes romantiques où l'on fait la java en squelette sur des tombes. Ici, point d'illustration, le dessin se fait réceptacle, il est tombé en lui-même. 

 

      Les dessins de Thomas Bouquet sont hantés par la mort, le désastre, et ils nous disent que nous sommes peut-être les derniers à pouvoir circonscrire poétiquement le monde finissant. 

 

 

 

                               (extraits de « Partout sauf dans le monde », texte d'Alexis Trousset, 2016)